10 juin 1921. Début du procès de l'affaire des wagons. Les accusés n'ont aucun antécédent judiciaire.

Ah oui... Pourtant, si l'on en croit son registre matricule, Onésime n'est pas si blanc que ça...

Retour quelques années auparavant, à quelques centaines de kilomètres de là. Lorient, arsenal militaire : Onésime Le Livec y travaille comme ouvrier aux constructions navales, spécialité : charpentier, depuis 6 juillet 1903 et la fin de son engagement volontaire de 3 ans. Le 12 décembre 1907, le tribunal maritime le condamne à 8 jours de prison.

Je ne couperai pas à quelques séances au Service historique de la Défense de Lorient (entre autre pour l'inscription maritime de Bretagne-Sud), mais en attendant, quoi de mieux pour ne pas ronger son frein d'impatience que... la presse !

Même non OCRisée, lorsqu'on a une date, un fait et un lieu, c'est une source incontournable. La médiathèque de Lorient propose en ligne une centaine de titres du Morbihan.

 

Les faits sont relatés dans Le Nouvelliste du Morbihan, daté du 14-15 décembre 1907.

 

 

 

Le premier tribunal maritime, présidé par M. le capitaine de vaisseau Goudot, a eu à juger, hier après-midi, l'ouvrier Onésime Le Livec, 27 ans, charpentier au port, inculpé d'avoir, dans un moment d'emportement, injurié et frappé l'un de ses chefs.

Le 20 novembre dernier, l'un des ressorts de la dynamo dont Le Livec avait la surveillance sautait. Le Livec, pour opérer plus à l'aise la réparation de la dynamo, se débarrassa de sa blouse de travail, et fut à son armoire, éloignée d'environ 100 mères, pour y chercher une paire de tenailles nécessaire à la réparation du ressort.

C'est alors que l'adjoint technique M. Le Lidec, de ronde dans l'atelier, apercevant Le Livec au milieu d'un groupe d'ouvriers qui s'apprêtaient à quitter leurs vêtements de travail avant l'heure, se méprit sur ses intentions. Il crut que Le Livec se disposait à partir – une demi-heure avant la cloche environ – et lui demanda son « marron » de présence. Le Livec refusa, alléguant qu'il ne quittait point le travail, s'emporta quelque peu, dit à l'adjoint technique « vous n'êtes qu'un policier ! » et muni de la paire de tenailles, s'en fut réparer la dynamo.

L'affaire semblait s'arrêter là. Mais peu après, Le Livec appris qu'un rapport à l'ingénieur en chef avait été dressé par l'adjoint technique sur son compte, et qu'une punition disciplinaire était proposée à son égard.

Le Livec fut alors pris d'une grande colère. Il s'en fut, vers 11h 1/2 du matin, trouver M. Le Lidec, dans son bureau, et là se produisit une scène d'indiscipline regrettable : « Ainsi, s'écria Le Livec, vous avez fait un rapport contre moi ? » - « Oui, et c'était mon devoir », répondit l'adjoint technique. La dessus, Le Livec s'emporta de la pire façon, traita son chef de « vaurien » à maintes reprises, le bouscula, le poussa hors du bureau, et finalement le fit tomber en arrière sur un tas de ferrailles, contre lequel M. Le Lidec se meurtrit légèrement les mains.

Des surveillants techniques, MM. Kerblat, Le Golvan et Bodo, ainsi que l'écrivain journalier Pénard, témoins de cette scène, intervinrent et saisirent Le Livec par le collet.

Le Livec, à l'audience, regrette prodondément son acte d'indiscipline. D'autre part, l'adjoint technique Le Lidec demande pour l'inculpé, qui n'est pas un mauvais ouvrier et à la réputation d'un excellent père de famille, la plus grande indulgence du tribunal.

On entend les témoins de l'affaire. Pui M. le capitaine de frégate Hubert, commissaire rapporteur, prononce son réquisitoire ; il demande pour Le Livec une sévère punition mais ne s'oppose toutefois pas à l'admission des circonstances atténuantes et à l'indulgence du Conseil.

Après lui, M. Soret, le défenseur fait ressortir, dans une très claire et très chaleureuse plaidoirie, que l'origine de l'affaire est un rapport dressé à faux contre Le Livec ; celui-ci, sans doute, a eu grand tort de s'oublier, dans un accès de colère, jusqu'à, sinon frapper, tout au moins bousculer un de ses supérieurs. Mais, invoquant le repentir de Le Livec, ses regrets manifestés à l'audience, ses bons antécédents et ses lourdes charges de famille, M. Soret demande, sinon l'acquittement de son client, tout au moins une peine très légère et adoucie par la loi Bérenger.

Le Tribunal, ensuite, délibère. Au bout d'une heure environ, il rend un verdict de culpabilité avec circonstances atténuantes et condamne Le Livec à 8 jours de prison.

Condamné le 12 décembre. 8 jours en prison pour insubordination. "Congédié du port de Lorient le 27 décembre 1907". De là à dire qu'il y a cause à effet, il n'y a qu'un petit pas... Et on ne rigole pas en lisant "excellent père de famille" quand on sait qu'en 1921, il vit avec une femme dont il y a plusieurs enfants. D'ailleurs j'en ai - a priori- fini avec les déboires judiciaires d'Onésime, il se pourrait fort que le prochain épisode parle un peu d'amour...

 

Sources et liens

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