Art. 11

Les impos existants, même les droits qui se perçoivent à raison de la consommation, n'ont été presque jusqu'à ce moment qu'à la charge du tiers état, le clergé, la noblesse et tout autres privilègiés s'en sont presque trouvés affranchis.

La gabelle

Par exemple la gabelle qui est l'impos le plus desastreux, parcqu'il se perçoit pour une dentée d'absolue necessité, n'est il pas bien plus onereux au tiers état, qu'aux gens des deux autres ordres, le sel est nécessaire à tous, mais le devoir de gabelle, c'est à dire la levée du sel, ne doit pas estre égal pour tous, et se mesurer sur le nombre des individus qu'on y assujetis, l'artisant, le journalier ne fait pas pour ainsi dire de cuisine chez lui, la pluspart du tems, il est nourri chez ceux qui le font travailler, ou vit seulement de pain, pourquoi donc le contraindre à lever du sel et qu'il ne peut consommer dans sa maison, au contraire le seigneur très riche, l'ecclesiastique, les chapitres, les monastères, tous tenant grand état de maison, et forte cuisine, ne sont tenus au devoir de gabelle qu'en raison du nombre des individus qui composent leur maison, nombre qui d'ailleurs excede toujours la quantité déclarée aux préposés de gabelle, auquel nombre se joignent quantité d'individus qui vivent à la table des maîtres ou à leur cuisine, au moyen de quoi le sel levé au grenier ne peut estre suffisant, c'est le faux sel qui y supplée, tandis que les artisans et les gens du commun sont forcés d'en lever au grenier plus qu'il ne leur en faut ; et encore par un excès de vexation les employés de la gabelle vont fréquemment fouiller et faire des recherches outrageantes dans leurs maisons, y font souvent des procès injustes par mauvais vouloir ou par méprise sur la nature du sel qui leur est représenté, lorsqu'il a changé de couleur ou autrement, en jugeant par là qu'il n'est pas sorti de la masse. Au contraire ils ne font point de semblables recherches chez le noble, chez l'ecclesiastique, ni dans les monastères, quoique ce soit chez ceux là où le faux sel est porté.

Ce sont donc ces privilègiés qui sont la première cause du faux saunage, et de ces guerres continuelles que se font les gabeleurs et les contrebandiers souvent suivies de meutres.

Il est donc nécessaire pour le bien de l'humanité qu'un pareil impos soit totallement suprimé sans en laisser le moindre germe, sauf à le remplacer par un autre, où tous les individus quelconques sans exception doivent contribuer en proportion de leurs facultés.