The Battle of Quiberon Bay, Nicholas Pocock, 1812. (National Maritime Museum)

20 novembre 1759. LE combat naval, une magistrale défaite, décisive. Un triomphe pour la Royal Navy, le début de la fin pour la France : Québec vient de tomber, et la seconde défaite de la Royale, après celle de la flotte de Toulon au mois d'août précédent, semble sonner le glas des velléités maritimes de la France.

La flotte est rassemblée à Brest en 1758. Les vaisseaux à quais ne sont pas vraiment d'attaque, les hommes manquent. D'autant que l'épidémie de typhus ramenée par l'escadre de Dubois de la Motte ravage la région. L'escadre a un objectif simple : envahir l'Angleterre. Le gros temps de novembre n'est pas forcément le compagnon idéal... Un relâchement temporaire du blocus anglais permettent aux vaisseaux français de sortir du port où ils étaient cloîtrés. Quelques problèmes de vent et de cap les déportent vers le sud-ouest. Finalement, le 19 novembre, la fière escadre double Belle-Île. Ce n'est pas le meilleur endroit pour engager le combat, coincé entre les îles (Belle-Île, Hoëdic et Houat, Dumet), les presqu'îles (Quiberon et Le Croisic) et les récifs (Les Cardinaux) et les plateaux rocheux (plateau du Four).

 

 

C'est la débandade. Navires coulés, qui fuient dans la Vilaine se protéger (la moitié de l'escadre, quasi indemne !), voire qui se font hara-kiri tout seul... Immédiatement les anglais mettent en place un blocus afin d'empêcher les onze vaisseaux de guerre si précieux à la Royale de sortir de leur nid de souris. Les premiers réussiront à sortir de la rivière en janvier 1761 !

The day after, Battle of Quiberon Bay, Richard Wright Huile/toile 635 x 762 mm - National Maritime Museum, London

1500 canons et 14 000 hommes au départ côté français. Un massacre à l'arrivée : plus de 2 500 hommes disparus côté Royale, 300 à 500 côté Navy.

Un drôle de tonnerre a du gronder toute cette journée au large des côtes bretonnes ce 20 novembre 1759. Sans doute les paludiers et les paysans de Quiberon au Croisic ont-ils du jeter un oeil inquiet aux éclairs lumineux qui dansaient au milieu des voiles blanches. Durant les mois qui suivent, les marées rapportent de sombres et macabres découvertes. Les corps reviennent souvent au rivage... Décembre 1759, janvier 1760, les habitants de Sarzeau sont assaillis par les noyés en décomposition depuis plus d'un mois. Trop de cadavres, des risques d'épidémies, "ces charognes mutilées tombantes par morceaux" et qui laissent "une odeur de mort et un air empesté". Le cimetière de Sarzeau est trop petit pour accueillir ces morts qui arrivent chaque jour. Autorisation est faite de les enterrer dans le sable, sur les plages. Douaniers, villageois, militaires, tout le monde est mis à contribution. Les rares effets personnels sont récupérés, remis au recteur et transmis ensuite à l'Amirauté.

 

Enterrement de 3 garçons noyez dans le combat naval sur la côte de Penvince le 20 novembre 1759
[...]
Les corps des 3 jeunes garçons trouvés à la côte vis a vis le village de la Grée Penvince, près la chapelle, et vis à vis le village de Landrezac, jettés par les flots de la mer, le premier hier matin, le second hier au soir et le troisième ce matin, tous trois paraissant agés d'environ 20 à 25 ans ; dont l'un totalement nud, les deux autres en gilet et culottes de matelot sans qu'on ait trouvé sur eux aucun argent ni [?] ny chapelet ny aucun papier constatant leur noms ou patries et sans que personne des spectateurs les ait pu reconnoitre et paroissoient à la corruption déjà très avancés devoir [eut?] pris le jour du combat naval en vue ladite escadre francoise et angloise donné sur cette même côte le mardy 20 novembre dernier, d'autant plus que l'un avoit les jambes fracassée d'un coup de feu, et paroissoit avoir été pensé
Ils ont étés transportés par l autorité dans la charette de Sylvestre Dorso laboureur du village de Penvince temoin avec Pierre Le Hecho son beau frère et Guillaume Guillo canonier aux batteries de Penvince tous présent et layant aidez à les lever de la côte, tous ne scachant signer.

Ent. dans le sable sur la côte de Penvince et de St Jacques. Cadavres du combat naval du 20 novembre 1759
Ce jour 26 janvier 1760 acte de sépulture de 7 corps noyez trouvez sur la côte : et d'une part la permission par ledit de Mr le lieutenant général et de Mr le Procureur du Roy de l'amirauté de Vanne, portant "sur les représentations qui nous ont été faites par Mr le Recteur de la paroisse de Sarzeau, dans la lettre du jour d'hier (30 décembre 1759) que son cimetière n'est pas à beaucoup près suffisant pour contenir le grand nombre de corps noyez dans le combat naval du 20 du mois dernier qui viennent journellement et [?] continue à la côte de la dite paroisse distante quelque fois de deux lieues dudit cimetiere, et qu'il en [?] même des invoncéniens dangereux pour le public {attendu la corruption de cadavres pourissant depuis 40 jours qui ne peut que devenir plus contagieuse plus on avancera pour ceux qui seroient obliges de se prester a ce transport outre la difficulté de trouver du monde et des charon soit pour la ville même où on apercevoit indécement ces charognes mutilées tombantes par morceaux et pour les lieux où en passant elles laisseroient une odeur de mort et un air empesté, nous officiers de l'amirauté de vannes, déclarons que attendu cette circonstance extraordinaire et sans tirer à conséquence pour autre cas, nous n'avons moyen [?] que lesdits corps noyez, soient inhumés dans les lieux voisins de la côte qui seront designez convenables par Mr le recteur.

Vu de plus d'autre part l'état fourni par le sieur du Plessis brigadier des fermes du roy en pose de Landrezac et lieux adjacents portant qu'il a en présence de Mrs les employés de la brigade, fait enterrés dans le sable aux lieux mêmes de la côte où la mer avoit jetté les cadavres le jour où ils ont été trouvez nuds et déjà pourri et à scavoir vu le 30 décembre vis à vis, le chateau de Suscinio, un autre le lendemain 31 décembre proche le village de la Grée Penvince, un 3e entre la Grée et Landrezac le même our, et un 4e le 3 janvier 1760 aussi entre Landrezac et La Grée.Plus un etat pareil signé du sieur Desporte brigadier des fermes du Roy au poste de St Jaques et côte en dependante, portant que s'etant transporté sur les lieux avec le sieur Braud employé, il a fait inhumé dans le sable  de mer par les riverains [...] les cadavres trouvez noyéz le [?], le 31 décembre 1759, vis a vis le village de Roholliguen, paraissant agé de 25 ans, ayant seulement ses culottes et un chapelet ; le second le 5 de janvier 1760 en presence du sieur Thebaud et Huguenet employés [...], nud et inhumé vers les 10 heutes du matin entre La Tour de St Jacques et le village de Kerfontain, le 4e le même jour 5 janvier vers les 3 heures après midy vis a vis le village de La Grée St Jacques n'ayant que ses culottes. Ces messieurs déclarant aussi qu'ils n'avoit trouvé argent, autres effet, ni aucun papier [...]. Et comme on attendoit toujours pour voir si les vents de mer jetteroient quelques cadavres pareillement a la cote, ces etats ne m'ont été remis que ce jour 26 janvier 1760.

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