Tout est parti d'une simple mention sur l'acte de mariage de sa fille : "se trouve dans l'impossibilité de manifester sa volonté [...] ainsi qu'il résulte d'un certificat du médecin directeur de l'asile des aliénés de Lesvellec".

La loi du 30 juin 1838 fait obligation à chaque département de se doter d'un établissement psychiatrique. Néanmoins la mise en place des asiles est progressive. Celui du Morbihan n'ouvre qu'en 1886 à Lesvellec, commune de Saint-Avé, distante de 5 kilomètres de la préfecture Vannes. L'hospice peut accueillir 500 patients à son ouverture. Parmi lesquels le matricule 246, Prudent ROBIC, boulanger. Placé d'office sur arrêté préfectoral le 20 mai 1886 : "atteint d'aliénation mentale, [...] dangereux pour la sécurité publique". Sur le bon d'admission, l'encre violette recouvre les mots initiaux du médecin de l'hospice de Vannes.

 

"Aliénation mentale" recouvre "furieux". "Urgence", alors que se devinent au crayon quelques mots : "il y a danger pour sa femme et pour ses voisins".

 

 

Le livre de la loi recense à leur entrée toutes les personnes internées : identité, signalement, mariage, demeure, profession, certificats médicaux à l'entrée, notification de l'arrêté préfectoral de placement d'office, et la longue liste des états du patient durant son séjour. Le gigantesque registre noir de 1886 pèse au bas mot 5 kilos. Faisant sans doute face à l'afflux de patients jusqu'alors disséminés dans les asiles des départements et villes voisines, le bureau d'entrée a omis de renseigner les informations générales concernant l'individu, hormis sa plus simple identité.

Prudent Louis Marie ROBIC, 38 ans, boulanger, né à Pleugriffet (Morbihan) le 10 février 1848, domicilié à Vannes. Aucune mention de sa femme, ni des enfants (au moins 3). Pas de signalement physique. Juste l'état physique : "constitution affaiblie". Les excès : "alcool", qui aggrave les crises. Et... la maladie. Epilepsie. Car l'interné n'est pas fou, malgré ses "hallucinations terrifiantes de l'ouïe et de la vue et [ses] idées de persécution" et ses amnésies.
 
Depuis son arrivée, il est tranquille, il convient bien qu'il s'est enivré mais ne veut pas se rappeler de ce qui s'est passé se rappelle pas très bien de ce qui s'est passé. Travaille tous les jours. Quelques jours après son arrivée il a montré les symptômes d'épilepsie larvée. Il crie la nuit, se débat dans son lit ce qui porterait à croire à l'épilepsie nocturne".

Il n'en est pas à son premier internement puisqu'il a séjourné à l'asile Saint-Athanase de Quimper, département voisin (à compléter très prochainement après un passage à Quimper). Sur son dossier médical figure dans un coin au crayon "1ère fois épilepsie 17 à 18 ans".

Le livre de la loi recense, tous les 3 - 4 mois, les changements survenus dans l'état du patient. Bien qu'il connaît régulièrement des "vertiges épileptiques", Prudent ROBIC est plutôt calme ; il travaille à la boulangerie de l'hospice. En 1893 les crises sont de plus en plus rare, et le patient "en excellente santé". Mais à partir de 1900, les attaques reviennent fréquemment et il s'affaiblit. Désordres intellectuels, incohérences... Jusqu'au bout.

Le malade est décédé le 26 janvier 1904 à 11 heures du soir par suite de marasme épileptique.

Sources et liens

 

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